Emploi : l’économie américaine a manqué un saut, mais sa course n’est pas finie pour autant…

Par DNCA Finance

Depuis 2012, l’américain Aries Merrit conserve le record du monde de 110 mètres haie.

Ainsi qu’un coureur de tête lancé à pleine allure vers la piste d’obstacles, le marché de l’emploi de la première économie mondiale monopolise tous les regards. A chaque élan, la tension du public, international, est totale.

Saut après saut, les créations d’emplois du secteur privé (hors agriculture, plus volatiles) parvenaient à franchir la barre des 100 000 postes. Mais finalement, le coureur trébuche en juillet : les chiffres du mois dernier sont révisés sous le seuil fatidique. Et à défaut d’amortir la réception, la première estimation pour août s’inscrit sous les attentes.

Malgré la stabilité du taux de chômage (à 4,2%), les signaux se dégradent depuis plusieurs semaines : baisse des ouvertures de postes, rebond des licenciements, reprises des inscriptions hebdomadaires au chômage, diffusion géographique et sectorielle du ralentissement à des niveaux pré-récession : le marché de l’emploi américain montre très vraisemblablement des signes d’essoufflement. Le “Beige Book” de la FED confirme que l’activité stagne ou se détériore dans un nombre croissant de districts.

Le marché de l’emploi est clé. Tout comme la FED cherche à réancrer à la baisse les anticipations d’inflation des acteurs économiques dans les périodes de surchauffe, les anticipations de revenu disponible des ménages en fonction de la dynamique du chômage sont primordiales. La dégradation de l’emploi, même si elle est modérée, a tendance à créer chez les ménages une anticipation anxiogène de baisse de leur revenu disponible (revenu auquel on soustrait la consommation incompressible, vitale, et les impôts). Habituellement, cette anticipation conduit les foyers à accroître leur épargne de précaution, en réduisant les dépenses de consommation discrétionnaire tout en se montrant plus sensibles aux prix dans leurs achats de tous les jours, comme en attestent les résultats ou objectifs commerciaux d’un nombre croissant de sociétés américaines exposées au consommateur. La baisse de la consommation réduit la demande de biens, puis la production, les transactions commerciales et donc la demande de monnaie et sa vélocité. On peut ainsi arriver à un stade où les contraintes qu’a instaurées la FED sur l’offre de monnaie pour cibler des taux d’intérêt qui ont permis d’endiguer l’inflation atteignent désormais un niveau de décalage dangereux avec le taux (plus bas) qui pourrait à nouveau intéresser les consommateurs à rediriger leur revenu disponible non plus vers l’épargne mais vers la consommation… Dans le cas où ce décalage perdurerait, la FED serait alors en retard (“behind the curve“) et le cercle vicieux de la récession pourrait s’enclencher rapidement.

Ce risque semble faible étant donné que le taux de chômage reste proche de 4%. L’inertie de la machine à créer des emplois reste positive. Et si le PIB croit au second trimestre avec un peu moins de nouveaux postes que prévu, c’est une bonne nouvelle pour les gains de productivité.  Par ailleurs, le stock d’épargne (actions, immobilier – en raison de l’offre limitée -) s’inscrit plutôt en soutien de la capacité des ménages à consommer et explique peut-être (avec le ralentissement de l’inflation) le rebond de leur confiance. Et surtout, le message de la FED a été clair à Jackson Hole. L’urgence de la lutte contre l’inflation passée, elle peut pivoter vers son mandat de “maximisation” soutenable de l’emploi. Rien dans ces chiffres ne semble indiquer que Jerome Powell n’est plus maître du temps dans la gestion de sa politique monétaire : il n’est pas en retard. C’est probablement là l’élément le plus rassurant pour les marchés pour qui la seule inconnue, le 18 septembre, semble être le coefficient (variation de taux attendue entre 25 et 50 points de base) de la fonction de réaction de la FED. L’économie américaine a manqué un saut, mais sa course n’est pas finie pour autant…