Par DNCA
Tandis que la France prend le chemin de l’austérité, l’Allemagne glisse sur celui de la stagnation.
Pour la deuxième fois depuis son unification, la première économie de la région s’apprête à clôturer une seconde année consécutive de croissance négative. Les données et surprises économiques, bien qu’elles se dégradent moins vite, restent mal orientées depuis avril, notamment dans le secteur industriel.
Tandis qu’elle baisse ses taux de 25 points de base, la BCE semble ajuster ses éléments de langage, admettant à demi-mots que le repli rapide de l’inflation pourrait devenir préoccupant.
Dans ce contexte mélancolique, les investisseurs abordent les résultats du troisième trimestre avec prudence.
Depuis le début de l’année, ils ont réduit de 7% leurs attentes de croissance bénéficiaire pour l’exercice 2024. La compression des marges explique à 80% l’amplitude des ajustements de bénéfices par action, quand le repli du chiffre d’affaires justifie le reste.
Christine Lagarde a désormais la preuve que les sociétés absorbent les hausses de prix passées sans les répercuter à leurs clients…
Le zeitgeist rappelle étrangement celui des années Draghi… Et l’Eurostoxx 50, pourtant en avance jusqu’à la mi-juin, semble avoir toutes les peines du monde à rattraper le S&P500.
Lorsque les sociétés déçoivent, les sanctions peuvent être implacables : la volatilité réalisée le jour d’une publication atteint un plus haut à 14 ans. La taille de capitalisation n’empêche plus d’afficher des variations à deux chiffres. En deux jours, ASML (8% de l’Eurostoxx 50) perdait jusqu’à 21% après avoir dévoilé, en avance, des prises de commandes inférieures aux attentes et une marge brute en nette dégradation. Le champion incontesté des machines-outils que s’arrachent les salles blanches des fabricants de wafers rappelle à ses investisseurs la nature cyclique de son activité. Appréhender ce marché, ce n’est pas seulement se familiariser avec les technologies les plus porteuses, c’est aussi intégrer les variations par nature volatiles des stocks de ses clients intermédiaires ou finaux. Elles définissent les cycles mouvementés de ce secteur et peuvent différer selon qu’on regarde du côté d’ASML ou de TSMC, qui battait les attentes des marchés quelques jours après.
Face aux difficultés économiques de la zone euro, les investisseurs européens sont naturellement bien avisés de se diversifier en intégrant des actions internationales. L’Europe présente des atouts structurels : marché développé de grande taille, dynamisme des émergents domestiques (Europe centrale), exposition attractive des sociétés à des débouchés internationaux. Mais le tableau est constamment terni par des difficultés tantôt passagères (ralentissement des moteurs de croissance historiques que sont l’Allemagne et la France), tantôt structurelles (démographie et gains de productivité déclinants).
Les sociétés européennes ont su sortir plus fortes de la grande crise financière de 2008 : leur optimisation, leur résilience et la maîtrise de leur endettement sont remarquables. Malheureusement, on ne peut en dire autant des Etats. Pour les actionnaires, le risque devient grand que les entreprises soient appelées d’une manière ou d’une autre à contribuer au rétablissement des finances publiques.
A court terme, les actions européennes présentent l’avantage de leur niveau de valorisation modeste, de leur sensibilité à la relance chinoise et des perspectives de baisse de taux de la BCE. Néanmoins, la persistance dans le temps de leur revalorisation passera par l’amélioration des perspectives de long terme. A cette échelle, la solution devient nécessairement politique. Dans le passé, les initiatives européennes ont pu donner une impulsion. Certes, peu d’idées du rapport Delors, livré à la fin des années 1990, ont été appliquées après sa publication. Néanmoins ce travail qui emboîté le pas au rapport de Pierre Werner, laissé lettre morte à la fin des années 1960, a finalement posé les bases de l’Union économique et monétaire que nous connaissons actuellement. L’élément déclencheur de l’accélération de l’histoire européenne fut alors la réunification de l’Allemagne.
Aujourd’hui, il n’est pas impossible que ce déclic se soit amorcé depuis quelques années grâce à la prise de conscience grandissante de nos représentants du manque de compétitivité de l’Europe, des défis démographiques et des menaces géopolitiques aux frontières. Il faut désormais espérer que le rapport de Mario Draghi n’arrive ni trop tôt, comme ce fut le cas pour le rapport Wermer, ni trop tard, et que l’esprit du temps reste propice à s’inspirer de certaines de ses propositions.
Texte achevé de rédiger le 18 octobre 2024 par Thomas Planell, Gérant – analyste.
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