L’intérêt de l’obligataire a encore augmenté cet été

Par Octo AM

Alors que le mois d’août se termine et que les investisseurs ajustent leurs allocations pour la dernière partie de l’année, nous vous proposerons dans cet hebdo un rapide bilan obligataire de l’été, non qu’il s’y soit produit des évènements majeurs sur le plan des marchés, hormis cette fameuse journée « japonaise » du 5 août déjà largement commentée, mais parce que nous considérons que ces quelques semaines passées ont bel et bien marqué un changement de conditions économiques, politiques, monétaires et donc financières qu’il sera utile de prendre en compte dans la gestion d’un portefeuille obligataire.

Commençons tout d’abord par un graphique de la performance à date des catégories obligataires pour noter la caractéristique principale du marché obligataire en 2024 : la volatilité est encore venue des taux et non du crédit et les catégories les plus crédit ont largement mieux performé que leurs homologues souveraines ou de haute qualité. Un signal cependant nous a été suggéré la journée du 5 août, qui venait soi-disant de débouclages de positions d’investisseurs japonais, et a provoqué un fort accès de volatilité sur le high yield européen, alors même que ces derniers n’en détiennent pas ou très peu, ce qui montre bien, s’il fallait le préciser :

  • La grande corrélation des actifs mondiaux
  • Un certain attentisme des investisseurs sur ce segment

(Sources : Bloomberg, Octo AM)

Nous noterons également la forte performance de la catégorie souverains liée à un retour en grâce des anticipations du marché de baisses de taux significatives des banques centrales dans les mois à venir. Ainsi le 10 ans américain est-il passé de 4.5% à 3.8% entre mai et août tandis que le Bund allemand est passé de 2.7% à 2.3%, avec une forte accélération en juillet.

(Sources : Bloomberg, Octo AM)

La première baisse de taux de la BCE en fin de premier semestre, puis les discours beaucoup plus accommodants de part et d’autre de l’Atlantique ont alimenté cette tendance au sujet de laquelle nous mettrons à nouveau en garde, tant elle anticipe déjà une grande partie des actions possibles.
Ainsi, un point qui n’a pas encore changé est l’inversion des courbes entre les taux très courts (en deçà de 3 ans) et les taux longs, ceux-ci anticipant d’ici fin 2025 six baisses de taux aux USA et en Eurozone d’ici fin 2025, amenant les taux directeurs autour de 2% de part et d’autre de l’Atlantique à horizon 9 mois… C’est beaucoup… Et de là à considérer que tout le chemin est réalisé, comme fin 2023, il n’y aura qu’un pas…

(Sources : Bloomberg, Octo AM)

Pour finir cet état des lieux obligataires, rien de plus parlant qu’un graphe des courbes de crédit qui permettra à nos lecteurs de savoir quelle rémunération (ou quel coût d’emprunt) ils pourront obtenir en fonction de la qualité et de l’horizon d’investissement (ou d’emprunt).
 
Nous noterons que, d’une manière générale, les rendements obligataires ont plutôt légèrement chuté depuis quelques semaines mais restent suffisamment attractifs pour 1/rémunérer un patrimoine, 2/absorber des chocs, 3/garder une place conséquente dans une allocation au regard des rémunérations des autres classes d’actifs.

(Sources : Bloomberg, Octo AM)

Une fois ces chiffres posés, reste tout de même à conclure que, si les graphes semblent avoir peu évolué depuis le début de l’été, ou avoir montré peu de modifications majeures, la situation a, elle, bel et bien changé, et ce sur presque tous les plans :

  • Sur le plan macro-économique, et la FED l’a encore affirmé ces derniers jours, le risque a basculé d’un excès d’inflation à un manque de dynamisme de l’économie, qu’il s’agisse de l’emploi, de la consommation, des échanges internationaux, de la confiance, autant d’indicateurs qui ont tous reculé significativement et indiquent un ralentissement, voire des prémices de récession légère. A noter également les révisions fréquentes et de grande ampleur sur de nombreux indicateurs, en particulier le chômage,  toutes à la baisse, qui indiquent une difficulté de prévision, liée entre autres au changement de régime économique.
  • Sur le plan monétaire, conséquence du premier, les deux principaux argentiers mondiaux, FED et BCE, sont passés en quelques semaines d’une posture de patience et de discours plutôt orienté sur les risques d’inflation à une posture active – la BCE a déjà opéré une baisse de taux et la FED le fera probablement en septembre – et un discours désormais plutôt orienté sur les risques de ralentissement, voire de récession.
  • Sur le plan politique et géopolitique, le sujet a moins évolué mais a plutôt été source d’une augmentation de l’incertitude et de la volatilité potentielle que l’inverse : retrait de Monsieur Biden ayant pour conséquence une plus forte incertitude des sondages américains, incertitude forte en Europe en particulier en France mais aussi en Allemagne, modification significative de la guerre en Ukraine avec les incursions de l’Ukraine en Russie.
  • Sur le plan micro-économique également, si la prudence et les capacités de prévisions de bon nombre de management avaient permis aux entreprises de résister quelques mois, la physionomie des résultats et des perspectives a fini, sinon par céder, du moins par ployer sous les coups des forces en présence : effet encore en cours de l’inflation passée, ralentissement de la consommation, hausse des barrières protectionnistes et diminution des échanges internationaux, baisse de la confiance… Et ce sont plusieurs publications moyennes à médiocres, notamment sur les secteurs les plus cycliques qui sont venues assombrir quelque peu le paysage. Rien d’alarmant cependant, car n’oublions pas que nous parlons ici en tant qu’investisseur obligataire et que baisse des résultats ou du chiffre d’affaires reste très loin de restructuration, faillite, voire même simple écartement de spread…

 
Et quand on dit écartement de spread, on parle bien en pur financier, c’est donc par ce point à la croisée des quatre autres que nous terminerons cet hebdo en donnant les quelques lignes directrices de nos perspectives et investissements obligataires pour les semaines à venir, dont nous vous proposerons tous les détails lors de notre présentation trimestrielle le 12 septembre prochain :

  1. Les banques centrales vont baisser les taux à un rythme relativement soutenu pendant 6 à 12 mois => la courbe va se désinverser, le monétaire va perdre de son attrait par rapport aux obligations plus longues
  2. Les anticipations de baisse des taux de la plupart des investisseurs conjuguée à leur nécessité de recycler des actifs monétaires à la rentabilité en baisse risque de créer un flux important vers le marché obligataire => il sera préférable de se positionner rapidement pour profiter d’un potentiel rally qui pourrait être comparable à celui de fin 2023 sur certains pans du marché obligataire, bien qu’une partie ait déjà été réalisée durant l’été.
  3. Cependant les scenarios de baisse de taux des banques centrales ont déjà été largement pris en compte par les marchés et pourraient conduire à certaines exagérations (cf. fin 2023)=> les taux longs sont déjà à l’équilibre et ne vont pas forcément tous baisser, ce qui implique de bien choisir ses maturités et de rester agile sur la duration, attitude qui a déjà porté ses fruits depuis début 2023.
  4. Si les banques centrales baissent les taux, c’est parce que la situation économique se dégrade et que les entreprises sont plus en risque => Dans ce contexte, les obligations, qui sont l’actif de la sécurité d’un portefeuille par excellence, devraient avoir une place centrale dans de nombreuses allocations pour les mois à venir. Cependant, il serait dommage de perdre l’effet positif des baisses de taux des banques centrales par l’effet négatif d’un écartement de spread trop marqué lié à la dégradation des conditions économiques pour les entreprises… Nous préférerons donc réduire l’exposition et être plus sélectif sur les actifs les plus risqués comme le high yield ou les obligations financières les plus subordonnées, très procycliques et très sensibles en cas de stress, notamment sur les maturités les plus longues.

 
Si les sujets restent donc les mêmes, les applications dans un portefeuilles se sont sensiblement ajustées depuis le début de l’année et nous serons heureux de vous exposer nos allocation pour la fin 2024 dans  quelques jours. (Inscription ici, places limitées)
 
D’ici là, toute l’équipe d’Octo AM vous souhaite une excellente rentrée !