Un marché de l’horlogerie et de la joaillerie de luxe en pleine mutation

Par Lombard Odier

En 2023, l’industrie du luxe a connu une année faste, avec une valeur record inédite estimée à EUR 1’500 milliards1. Toutefois, cette année devrait néanmoins être marquée par un ralentissement de la croissance dans ce secteur, évaluée entre 2% et 4% et attribuée au contexte d’incertitude géopolitique et macroéconomique2. Pour autant, le marché du luxe conserve une forme olympienne. Mais cette santé se paie au prix fort pour la planète : à l’échelle mondiale, le luxe est en effet responsable de 20% de la pollution industrielle de l’eau et représente 6% des émissions de CO23. Les grands noms du secteur, tels que LVMH et Kering, ont pris les choses en main et multiplient les initiatives innovantes pour intégrer la durabilité dans leurs pratiques. Quels progrès en la matière ont été réalisés ces dernières années ? Dans ce contexte et face à ces enjeux, comment les marques concilient-elles objectifs de durabilité avec perspectives de croissance ? Certaines Maisons, comme Piaget, propriété du groupe Richemont, apportent des éléments de réponses ainsi que leur pierre à l’édifice.


Le luxe face à des enjeux inédits

Après deux années de croissance spectaculaire, « le secteur du luxe a besoin de se poser. La croissance est aujourd’hui moins dynamique et l’industrie va moins profiter de l’augmentation des prix » déclare Gosia Eggimann, Buy-side analyst, Consumer goods chez Lombard Odier, à l’occasion d’un échange avec des responsables de l’enseigne d’horlogerie et joaillerie Piaget au printemps dernier. Plusieurs grandes tendances se dégagent aujourd’hui à travers le monde.

Tandis qu’auparavant, la croissance était surtout portée par la Chine, « la consommation est désormais plus marquée aux Etats-Unis et en Europe, qui affichent de meilleures performances que la Chine. En 2024, aux Etats-Unis, on constate 3 à 5% de croissance. En Europe, en revanche, la croissance est plus faible, ce qui est directement lié à la situation économique du continent, qui a impacté négativement le pouvoir d’achat des ménages européens » explique Gosia Eggimann – l’Europe faisant face à des problèmes structurels persistants.

Porté par la consommation chinoise, qui a ralenti depuis l’ère post-confinement, le secteur du luxe semble confronté à une croissance plus faible en 2024. Une tendance qui se confirme4, comme en témoigne le léger recul des ventes de LVMH au premier semestre 20245. L’industrie fait en outre face à d’autres défis : « Tout d’abord, maintenir la croissance en conservant l’exclusivité du luxe. Et ensuite, réussir à attirer de nouveaux consommateurs », notamment parmi les audiences croissantes sur les réseaux sociaux tels qu’Instagram et Tiktok. Cela constitue une priorité et un objectif de taille pour les marques traditionnelles telles que Piaget, qui doivent trouver leur place dans ce nouveau paradigme dans la relation aux consommateurs. Deux secteurs sont en pleine mutation : la joaillerie ainsi que l’horlogerie, en particulier, dont le marché mondial de ce secteur représente désormais USD 46 milliards (2023)6.

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« L’horlogerie de luxe, qui reste toujours très dominée par la Suisse [NDLR : CHF 27 milliards d’exportations en 20237], connaît un intérêt croissant, marqué par une sophistication de la clientèle, mieux éduquée au secteur et disposant de connaissances techniques approfondies » décrypte Gosia Eggimann. Pour Christophe Bourrié, Global High Jewellery & High-end Watchmaking Director de Piaget, c’est une certitude : « Aujourd’hui, nos clients sont vraiment devenus des experts et ont accès à la source d’information. Nous sommes face à des clients qui achètent toutes les marques et connaissent aussi bien la concurrence que nos créations ».

Une clientèle qui rajeunit également : en effet, d’ici 2025, les Millennials et la Génération Z représenteront 70% du marché mondial des produits de luxe personnels, ce qui pousse l’industrie à se réinventer et à aligner ses valeurs sur la durabilité8.

Parmi les maisons horlogères et joaillières suisses, Piaget semble ainsi embrasser pleinement ces enjeux et œuvre en ce sens. Tandis que la Maison souffle cette année ses 150 bougies, Piaget continue d’innover pour répondre à la demande d’une clientèle nouvelle et plus exigeante, également plus attentive à l’impact environnemental des produits qu’elle utilise.

Concilier croissance continue et durabilité

Dans le secteur du luxe, l’industrie horlogère et joaillère est en pleine transformation, en convergeant ses efforts vers des processus de fabrication et des chaînes d’approvisionnement plus transparentes et durables. « La traçabilité a toujours été au cœur de l’industrie du luxe, qui met de plus en avant ses efforts » explique Christophe Bourrié.

La marque le prouve en étant membre-fondateur du Responsible Jewellery Council (RJC), organisation de référence mondiale établissant des normes de traçabilité et durabilité rigoureuses dans l’industrie de la joaillerie et de l’horlogerie. Le RJC rassemble aujourd’hui plus de 1800 entreprises de toutes tailles, et ce à travers toutes les étapes de la chaine d’approvisionnement dans les secteurs de l’horlogerie et de la joaillerie, depuis l’extraction minière de l’or et du diamant jusqu’à leurs réseaux de distribution.

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Une mutation qui s’accélère durablement

Ces enjeux sont d’autant plus actuels que certaines législations obligent désormais les marques à communiquer publiquement sur l’origine de leurs matières premières et les conditions de travail auprès de leurs fournisseurs9. Des grands groupes ont pris les devants, comme LVMH, qui s’engage à ce que d’ici 2026, 100% des matières premières stratégiques soient certifiées par des moyens préservant les écosystèmes et les ressources en eau10.

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